S&OP, « PDP étendu » : imbrication, alternative ou combinaison

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Nous avons rappelé dans le post Le S&OP, un "must" ? que le S&OP était un processus indispensable lorsque l’activité engendrait des tensions sur capacités. Selon leur degré, et selon les moyens à disposition pour les résoudre, il est utile de distinguer deux déclinaisons du processus S&OP, correspondant à deux niveaux d’ambitions et d’efforts différents : ce que nous appellerons le « PDP étendu » et le S&OP à proprement parler.

*PDP : « Plan Directeur de Production » (ou MPS)

Le « PDP étendu », une possible version light du S&OP

Le « PDP étendu » est un mécanisme inhérent au S&OP. Les besoins prévisionnels établis sur le « proche moyen terme » sont utilisés pour étendre l’horizon du PDP (ou MPS) et pour l’alimenter.

Les puristes s’en plaindront, mais le « PDP étendu » peut aussi constituer en tant que tel une version « light » du S&OP. On s’y limite quand les niveaux de capacité en place sont considérés par avance sans grand risque, gérable tactiquement, quelles que soient les situations d’exploitation susceptibles de se produire. Les hypothèses implicites qui justifient de s’en tenir au « PDP étendu » sont :

  • La capacité industrielle est globalement suffisante pour faire face aux évolutions de la demande à moyen terme, ou bien des sources secondaires de fabrication peuvent être activées.
  • Le coût de reviens des produits ne sera pas significativement impacté par les évolutions de l’activité

Dans ce cadre, l’objectif est de prévenir le risque de saturations ponctuelles de l’outil de production. Les deux moyens les plus couramment utilisés sont :

  • La constitution de stocks avancés, via la programmation de productions anticipées
  • Le recours à de la sous-traitance, avec comme enjeu le dimensionnement des volumes requis et la gestion de délais de mise à disposition plus longs

Le « PDP étendu » nécessite dans la plupart de cas, au plan métiers, un nombre restreint de contributions: Suppy Chain, Production, Ventes. En outre, son horizon n’est étendu que de quelques périodes (3-4 mois en général) par rapport à celui d’un PDP sans volet tactique (dont l’horizon opérationnel correspond au cumul des délais d’approvisionnement et de production). DG, Directions Achats, Marketing, Finance ou RH ne sont a priori pas de la partie. L’exercice est par construction moins complexe à mener (**,***).

**Sauf si par exemple sous-traitance négociée hors accord cadre

***Sauf si par exemple des campagnes promotionnelles sont pilotées par le Marketing

S&OP, déclinaison complète:

Capture ou perte de marchés, évolution rapide de l’offre, du mix produit peuvent générer de fortes variations des besoins capacitaires. Si le rapport charge/capacité est trop déséquilibré, les moyens offerts par la démarche « PDP étendu » ne sont plus suffisants. Il faut savoir agir directement sur le niveau de la capacité, sous peine de voir se déclencher des mécanismes très nuisibles pour le développement commercial et économique de l’entreprise :

  • Un outil industriel saturé pourra être à l’origine de surcoûts, de ruptures de stocks, mais aussi, paradoxalement de surstocks importants :
    • Le recours à la sous-traitance, si elle n’est pas anticipée, se fera souvent à des conditions d’achat défavorables
    • Les équipes de la production voudront pallier le déficit de capacité en augmentant les tailles de campagne :
      • Cela aura un effet direct sur l’augmentation du stock outil, donc du stock moyen induit
      • En outre, la diminution de la fréquence de réapprovisionnement sera à l’origine de pénuries plus longues
    • Si le business est saisonnier, le manque de moyens capacitaires devra être compensé par des avances de production, afin de garantir les stocks de couverture nécessaires sur les pics de ventes
  • Des moyens capacitaires trop importants viendront augmenter le coût de reviens des produits (par absorption des coûts fixes), et donc réduire la marge. Le compte de résultat en sera bien-sûr impacté, mais le bilan également, car même si les volumes stockés sont maintenus sous contrôle, leur valeur aura mécaniquement augmenté. L’alternative, qui consistera à surproduire, permettra de maintenir artificiellement la marge (pendant un certain temps seulement), mais provoquera une augmentation des stocks, via l’effet volume.

Or, un changement de capacité nécessite des délais importants. C’est en outre une décision conséquente, un engagement qu’on ne remettra pas en cause facilement. En effet, que les enjeux soient techniques (investissement, dégoulottage outil, externalisation) ou humains (changement de rythme, redimensionnement de l’équipe, éventuelles formations), de nombreuses compétences et des moyens significatifs doivent être mobilisés.

Il en résulte plusieurs implications très concrètes. Gérer « jusqu’au bout » l’enjeu capacitaire suppose :

  • de se donner de la visibilité sur un horizon moyen terme étendu, entre 12 et 24 mois en général
  • de mettre la plupart des métiers de l’entreprise autour de la table, et d’orchestrer leurs actions dans le cadre d’un processus périodique, piloté avec beaucoup de rigueur et d’engagement
  • de valider les décisions au niveau de la Direction Générale

Bref, toutes ces choses qu’on ne répétera jamais assez… 

Alternative, « phasing » ou combinaison

Nous avons vu que restreindre son action à la version PDP étendu du S&OP pouvait être un choix légitime. C’est aussi une bonne étape intermédiaire, dans la mise en œuvre d’un processus complet, qui est très exigeant, et long à produire des résultats.

Dans des organisations étendues, les deux approches peuvent également se combiner pour décliner le principe du S&OP à différentes échelles, que celles-ci soient définies géographiquement ou fonctionnellement. Il n’est pas rare, par exemple d’entendre parler dans une même entreprise de « PIC usine », de « PIC Pays » et de « S&OP groupe ». Derrière ces intitulés se cachent et se combinent, pour se compléter, les deux approches que nous avons distinguées. Le S&OP groupe planifie les besoins et les ressources capacitaires au niveau d’un plan de production global à un horizon moyen terme étendu. Les processus locaux permettent de compléter et de renforcer la planification opérationnelle (MPS, MRP) avec la partie des besoins qui leur est finalement demandée de couvrir.

NB : *PIC = Plan Industriel et Commercial


 

Le S&OP, un « must »?

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L’aura acquise par le processus S&OP parmi les professionnels de la supply chain est considérable. Collaboratif, transversal, tactique, le S&OP serait le processus de planification ultime pour optimiser les stocks, maîtriser les coûts et garantir le taux de service client attendu.

Faisons néanmoins quelques constats:

  • De nombreuses entreprises ont créé des supply chain performantes sans recourir au S&OP.
  • Ce processus est long à mettre en place, mobilise des ressources importantes, requiert au niveau de ses contributeurs une grande discipline, et ne donne en général pas de résultats rapides.
  • Rarement, on a recouru à un même concept pour décrire des pratiques aussi disparates.
  • Une fois en place, le S&OP chapeaute et orchestre tous les processus de planification de la supply chain. il n’est donc pas surprenant qu’on lui attribue toutes les réussites.

D’où la question : le S&OP est-il vraiment un « must » ? 

Est incontournable ce qui fait la réussite de votre planification opérationnelle

La performance de votre supply chain repose in fine sur la pertinence des décisions de votre planification opérationnelle (besoins, approvisionnement, production, stockage), ainsi que sur la capacité et la fiabilité des équipes chargées sur le terrain de leur exécution (respect des décisions, des délais, et des conditions d’exploitation imposées).

Nous nous interrogerons uniquement ici sur les aspects liés à la planification. Quelles que soient les caractéristiques de votre supply chain, il y a quelques prérequis incontournables dont vous devez disposer, pour gérer efficacement l’horizon opérationnel et court terme :

  • Des stratégies de production, d’approvisionnement et de stockage adaptées pour assurer la disponibilité de vos produits finis (ex : MTS vs MTO), des produits intermédiaires et des matières premières
  • Des compétences, des outils (modules de planification d’ERP, APS) et des fonctionnements vous permettant d’alimenter et d’actualiser de manière pertinente et réactive vos prévisions de ventes, votre MPS et votre MRP
  • Des circuits de décision courts et transparents

Le « must » donc, c’est que ces conditions de performance comptent parmi vos acquis. 

Dans quel cas doit-on aussi mettre en place un processus S&OP ?

On entend souvent vanter les vertus collaboratives du S&OP. Tel responsable l’aura mis en place pour prendre en compte différentes sources métier ou filiales dans la construction des prévisions de ventes. Tel autre pour permettre aux fournisseurs et clients internes d’une supply chain segmentée et complexe de mieux communiquer. Ces problématiques sont certes couramment traitées dans le cadre d’un S&OP, pourtant elles ne sont pas des conditions suffisantes pour justifier de sa mise en œuvre. En effet, une prévision collaborative des ventes, une planification multi-échelon, lorsqu’elles s’appliquent à la maille produit, peuvent s’appuyer sur des méthodes et des outils sophistiqués sans qu’il soit par ailleurs nécessaire de dérouler les multiples étapes de validation propres au S&OP.

En fait, le S&OP répond à un objectif précis : ajuster le rapport charge/capacité. Dans de nombreux secteurs, une capacité mal calibrée par rapport aux besoins peut rapidement ruiner les efforts et les résultats d’une planification opérationnelle par ailleurs très au point. Or, l’ajustement des ressources capacitaires repose souvent sur des décisions complexes, coûteuses et longues à mettre en œuvre. Il nécessite dès lors une vision élargie, sur un horizon de moyen terme qui dépasse celui de la planification opérationnelle. Dans des environnements industriels soumis à des variations fortes et récurrentes des besoins capacitaires, la mise en place du S&OP est donc non seulement utile, mais indispensable. Il y a alors plusieurs manières de l’envisager, c’est un sujet que nous développerons dans un tout prochain post.


 

Prévision des ventes, en prendre et en laisser

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A lire, avec le sourire, avant d’acquérir un logiciel pour vos prévisions de ventes

http://blog.lokad.com/journal/2014/6/5/top-10-lies-of-forecasting-vendors

Sous la forme d’un (gentil) coup de gueule, souvent drôle, l’auteur tacle collectivement les acteurs de son propre secteur d’activité. Mais j’ai aussi et surtout voulu partager cet article parce que je le trouve très pertinent sur le fonds, même s’il n’est pas exhaustif de toutes les limites rencontrées par l’approche statistique en matière de prévisions et d’approvisionnement.