Une typologie des stocks propice à l’optimisation

Featured

Ce post se lit à la suite d'un précédent post, auquel vous pouvez accéder en cliquant ici

Les stocks « tampon »

Les stocks tampons couvrent les variations de l’exploitation, exceptionnelles ou courantes. Ils regroupent les stocks de sécurité, les stocks de saisonnalité, les stocks stratégiques, les stocks avancés de production, les stocks consignation

Le plus impactant en général est le stock de sécurité. Il vise à couvrir les effets liés aux incertitudes sur le niveau des ventes et sur les délais d’approvisionnement. Réduire et maîtriser ces variabilités permet donc de réduire le stock de sécurité, sans remettre en cause la satisfaction client. Les principaux leviers directs pour agir sur le stock de sécurité sont la fiabilité des prévisions de ventes, les conditions de ventes elles-mêmes (délais faits aux clients), la fiabilité des opérations industrielles et logistiques, le réglage des ressources et des capacités industrielles. Leur amélioration repose sur la mise en place de processus collaboratifs (ex : prévision collaborative des ventes, PIC) ou de programmes d’efficacité opérationnelle (ex : fiabilisation des lead times à travers un programme de lean manufacturing). La politique commerciale est aussi en jeu. Pratiquer des délais de livraison et/ou des taux de service distincts selon les produits, les marchés et /ou les clients peut avoir des impacts conséquents sur les stocks de sécurité.

Les stocks « d’excès d’exploitation ».

Dans l’idéal, un stock devrait être réapprovisionné, au-delà du seuil que représente le stock de sécurité, de la quantité exacte de la prochaine vente prévue, juste avant que celle-ci ne se réalise. Or ce n’est en général pas le cas. Les quantités approvisionnées sont contraintes par des quantités minimum, appelées minimum de commande (à l’échelle d’un produit) et minimum de livraison (à l’échelle d’une commande groupée). Les équivalents industriels en sont le minimum de fabrication/campagne et le minimum de groupage. Les anglo-saxons parlent de « cycle stock ». La traduction française de « stock actif » n’est pas bien heureuse, puisqu’il s’agit en l’occurrence du stock le plus inactif qui soit, que l’on regarde du point de vue des flux ou du point de vue comptable. Il n’est pas rare que les surstocks induits par ces conditions de fournitures représentent une proportion très importante de la globalité du stock.

Naturellement, la réduction des stocks d’excès d’exploitation passe par la réduction de ces quantités minimum entrées en stock à chaque réapprovisionnement. Ces paramètres doivent être revus en collaboration avec les Achats et la Fabrication. C’est un travail souvent conflictuel, car la part des coûts de revient qui est liée à ces produits est inversement proportionnelle à la valeur de ces quantités minimum. L’aide de la Direction Financière me paraît dès lors très utile, voire indispensable, pour procéder à des arbitrages économiques.

NB : On appelle souvent « stock de couverture » ou encore « stock de réappro », la portion du « cycle stock » couvrant l’équivalent de la prévision des ventes sur le délai supposé irréductible entre deux livraisons. Je conseille de ne pas faire cette distinction d’un point de vue méthodologique, car je pense qu’il vaut mieux considérer le stock lié aux cycles de réapprovisionnement comme un gisement unique et intègre.

Les Stocks « de mouvement et d’encours » :

Cette catégorie regroupe les stocks de transit, de transfert, et de transformation. Ce sont tous les stocks constitués à un instant t des produits qui subissent un changement de lieu ou un changement d’état. La durée d’immobilisation prise en compte peut être une durée moyenne ou une durée théorique, appelée lead time technique. Elle correspond à une situation d’exploitation standard (temps de fabrication, de contrôle de transport, de manutention, de préparation). Les améliorations possibles sont liées à la suppression, à la réduction ou à la parallélisation de ces délais. Parmi les leviers courants, on retrouve le lean manufacturing, et tous les programmes d’efficacité opérationnelle en général. Par ailleurs, la formation des collaborateurs, l’amélioration des équipements (pour une meilleure rapidité de traitement) et des systèmes d’information (pour le suivi et la traçabilité) sont des voies souvent fructueuses.

Le cas particulier du stock merchandising

Notons que la classification du stock merchandising, utile dans le commerce de détail, n’est pas figée. Certaines entreprises de la Grande Distribution et de la Distribution Spécialisée le gèrent en considérant qu’il vient en complément du stock de sécurité. C’est une approche puriste, qui repose sur l’hypothèse que le stock merchandising fait intégralement partie de la proposition commerciale. D’autres le voient comme induit par le stock « d’excès d’exploitation » ; dans ce cas, on ne cherche pas à fixer un stock merch seuil par produit, on se contente de l’effet volume assuré globalement par les minimums de réapprovisionnement au niveau de tous les produits.

 

Typologie des stocks, un levier essentiel d’efficacité

Featured

Les typologies classiquement utilisées par les entreprises pour suivre leurs stocks sont un frein à la réduction des stocks

La plupart des états de suivi des stocks, actualisés chaque mois par les Directions Financières, reprennent le découpage de l’entreprise et de ses marchés. Le reporting type établit les volumes et la valeur de stocks par site et/ou par zone (usine, entrepôt, filiale/pays) et par business (BU, familles de produits). Lorsque des analyses plus détaillées existent, on en trouve qui reposent sur une classification ABC des produits. Une relation peut ainsi être établie entre la valeur des stocks et le niveau de contribution des produits correspondants, en chiffres d’affaires et/ou en marge.

Ces typologies permettent certes de suivre l’évolution des stocks, d’identifier les dérapages, et de relever d’éventuels paradoxes de gestion. Mais elles n’offrent qu’une vision très myope des mécanismes à l’œuvre pour aboutir au niveau de stock constaté. Elles ne disent pas non plus grand-chose du bien-fondé des différents niveaux de stocks, ni des causes des variations qui peuvent être constatées. Pire, elles peuvent parfois conduire à de mauvaises interprétations. Prenons l’exemple d’un produit phare, à forte contribution pour l’entreprise. On pourra facilement considérer qu’un stock de sécurité élevé est parfaitement justifié. Or, si les ventes sont prévisibles et les délais sous contrôle, un tel raisonnement conduira de fait à entretenir un surstock.

Pour une typologie des stocks liée aux contraintes de flux

D’un point de vue pratique, un stock est la conséquence d’une succession de durées d’immobilisation d’un produit, correspondant à des étapes ou à des fonctions caractéristiques du flux qu’il parcourt jusqu’au client final. Décomposer un stock selon des critères liés aux flux permet de relier des quantités à des contraintes d’exploitation, et donc à de possibles leviers d’actions. Par extension, et sur la base d’analyses plus poussées, ces leviers d’actions permettent d’évaluer des gisements d’amélioration et à des espérances de gains. Dans cet esprit, je propose d’adopter une typologie comprenant 3 grandes catégories ou familles de stocks:

1. les stocks « tampons », qui couvrent les incertitudes de l’exploitation, et qui sont constitués pour livrer les clients dans les délais
2. Les stocks « d’excès d’exploitation », qui sont les surstocks engendrés par les quantités minimum imposées à la livraison
3. Les stocks « de mouvement et d’encours », constitués par les produits qui subissent un transport ou une transformation, et qui ne sont pas (encore) disponibles pour le client, interne ou externe

Cette typologie crée la distinction entre les stocks « utiles aux clients » (les stocks tampons), et ceux dont les clients ne tirent aucun bénéfice, parce qu’ils sont imposés par les processus et les flux d’exploitation. La réduction des stocks non « utiles aux clients » fait toujours l’objet, au moins sur le principe, d’un consensus fort dans l’entreprise. Il est donc habile de s’y consacrer en premier.

Il est par ailleurs important, dans le commerce de détail, de prendre en compte la contrainte particulière du stock merchandising. Il s’agit du stock présent en rayon à la vue des clients. Or, Outre le fait d’assurer la disponibilité du produit, il a aussi pour rôle de garantir un effet volume, dont il est reconnu qu’il a un impact sur le panier moyen.

Lorsque cette classification est en place au premier niveau, il est en général pertinent de reprendre au niveau inférieur les critères plus classiques que nous avons évoqués plus haut (par site et par famille produit)

Dans mon prochain post, nous ferons une revue détaillée des 3 catégories de stocks que nous avons introduites : Les stocks qu’elles englobent, les leviers opérationnels disponibles pour un travail d’optimisation, et enfin les arbitrages économiques et commerciaux en jeu


Optimisation des stocks : mobilisez votre DAF! (Suite et fin)

Featured

Ce post est le dernier d’une série de 3. Vous pouvez accéder aux deux premiers en cliquant sur l'un ou l'autre des liens suivants :
Accès au premier post
Accès au deuxième post

Instituez un projet d’entreprise

Dans quel cadre un programme d’optimisation des stocks peut-il être conduit avec succès ? Nous avons vu que de nombreux services devaient être impliqués, et qu’il était essentiel que Direction Supply Chain et Direction Financière co-animent la démarche. En outre, cette dernière doit monter en compétence sur l’enjeu des stocks. Bien entendu, il y aura des questions fortement débattues et des difficultés dans la mise en œuvre. Il faut donc obtenir des moyens, réunir les conditions d’une vraie mobilisation, et insuffler un rythme. Seul un projet d’entreprise peut offrir les conditions d’une telle dynamique. Il en découle par ailleurs que le « sponsor » du projet est le COMEX tout entier. C’est un signal fort donné aux participants sur l’importance accordée aux enjeux, sur les moyens qu’il convient de mobiliser dans  chaque service… et sur les attentes bien-sûr.

Pour la conduite du projet, veillez, vous Directeur Supply Chain, à ce que la Direction Financière ait un rôle majeur, tout en conservant vos prérogatives

Le « client » du projet est la Supply Chain, qui est et demeure le service responsable du niveau des stocks. Par contre, je recommande que la direction du projet revienne au Directeur Financier lui-même. J’ai conscience que cette approche puisse, au niveau des opérationnels de la Supply Chain, engendrer des craintes, voire froisser des susceptibilités. Admettons-le, il n’est pas facile de déléguer à un autre service un tel niveau d’intervention sur son périmètre fonctionnel, de surcroît dans un contexte qui requiert une forte expertise technique. Néanmoins, vous devez vous rassurer, en tant que « client » du projet, en jouant tout votre rôle dans la genèse et dans la validation des propositions. Par ailleurs je suggère, en plus du Directeur de Projet, de nommer un chef de projet opérationnel, dont Direction Financière et Direction Supply Chain se partagent le management hiérarchique et fonctionnel. Le « Contrôleur de Gestion Stocks », si la fonction existe dans l’entreprise, est le candidat idéal. Il combine expertises financière et Supply Chain. La complémentarité de son rôle opérationnel et de son rôle dans le projet seront en outre un vrai atout. Elles faciliteront par exemple la prise en compte de la démarche d’optimisation des stocks dans la planification budgétaire.

Un principe à étendre à d’autres processus collaboratifs

Vous, directeurs Supply Chain, avez besoin des DAF, et les DAF ont besoin de vous. Mutualiser vos objectifs, combinez vos efforts, prenez le risque de partager la conduite du projet d’optimisation des stocks. La pression sur le cash n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui et l’on vante partout la vertu des processus collaboratifs. Le moment est propice, alors saisissez l’occasion !

Enfin, ne vous arrêtez pas là ! le PIC (Plan Industriel et Commercial*), qui est un exemple de grand processus collaboratif de l’entreprise, gagne considérablement à s’enrichir de la participation active de la Direction Financière. D’ailleurs, quand il est en place, il est le cadre idéal pour piloter l’évolution des stocks. C’est un sujet sur lequel j’aurai l’occasion de revenir dans ce blog.

* En anglais : Sales & Operations Planning