S&OP, avant l’outil

Récemment, la responsable S&OP d’une entreprise industrielle me confiait que la licence de l’outil APS (Advanced Planning and Scheduling) adopté 3 ans plus tôt n’avait pas été renouvelée, alors même selon elle que l’outil répondait parfaitement au besoin. Motif : il n’avait jamais été adopté par les planificateurs des sites industriels, ni par les commerciaux. Il y a malheureusement bien des façons d’arriver à cette situation. De l’aveu même des professionnels qui vendent des solutions APS, il est fréquent d’observer une forte dégradation de l’utilisation du logiciel dans les deux ans qui suivent son installation. Tentons de proposer quelques remèdes.

Les éditeurs logiciels articulent en général leurs réunions d’avant-vente autour de deux messages :

Message 1 : « Voyez tout ce que notre outil peut faire, vous y trouverez forcément des réponses à vos besoins ». A l’appui, des démonstrations multiples autour des fonctionnalités clé : prévision collaboratives des ventes, propagation de la demande, planification multi-échelon des stocks, simulation et comparaison des scénarios, archivage et reporting

Message 2 : « D’autres l’ont adopté avant vous, il fait le job », en insistant bien-sûr sur les clients sectoriellement proches.

Ces arguments sont légitimes. Ils ne doivent néanmoins pas conduire à la précipitation. En effet, le S&OP est un processus opérationnel et décisionnel complexe, dont les points de sensibilité sont très variables d’une entreprise à l’autre, fussent-elles du même secteur. Par ailleurs, une très large couverture fonctionnelle et applicative n’aidera pas à cadrer un processus encore incertain ; il se pourra même que ce « trop plein fonctionnel » crée de la confusion.

Aussi, avant de vous lancer dans l’acquisition d’un outil de marché, assurez-vous de savoir répondre par l’affirmative à ces quelques questions de fonds :

Sommes-nous clairs sur la liste et le rôle des participants au processus S&OP? En général, ne devraient démarrer comme futurs utilisateurs de l’outil que des collaborateurs déjà impliqués dans le processus existant. Toute situation contraire peut traduire le fait que l’approche métier a été plus ou moins remise en cause par l’outil. Votre processus S&OP risque d’être ralenti, ce qui est l’exact contraire de ce que vous attendez de l’outil. En outre, vous vous apprêteriez peut-être à payer un nombre inutile de licences utilisateurs et de formations.

Le système de back-up entre les participants du processus S&OP est-il rôdé ? Le caractère collaboratif et périodique du S&OP requiert un strict respect du rétro-planning qui y est associé. L’adoption d’un outil renforce cette contrainte, dans la mesure où le traitement des données y est automatisé. Les retards des utilisateurs sont encore plus difficilement gérables.

Connaissons-nous déjà les données d’entrée et les données de sortie de l’outil ? En plus de renforcer la logique collaborative, le rôle de l’outil est de faciliter la collecte des données d’entrée, ainsi que d’accélérer le calcul de résultats et d’indicateurs déjà définis et maîtrisés. Si vous n’avez pas su démarrer votre processus S&OP avec Excel ou Access, vos difficultés calculatoires révèlent peut-être des manquements métier et systèmes au niveau des étapes de la planification opérationnelle (prévision des ventes, DRP, MRP). Dans ce cas, votre priorité sera de les renforcer, en préalable à toute autre démarche; côté outils de marché, vous retomberez d’ailleurs souvent sur les mêmes acteurs…

Il est intéressant de constater que les éditeurs commencent à intégrer ces paramètres dans leur approche commerciale, en avance de phase. On a vu ainsi se multiplier dans les salons spécialisés, les séminaires, ou encore les web-conférences les présentations conduites par leurs clients eux-mêmes. Ceux-ci mettent l’accent sur la démarche de transformation métier menée par l’entreprise, avant de vanter les bénéfices de l’outil, mais davantage dans un rôle de support aux équipes et de facteur clé de succès dans la résilience des changements mis en œuvre.

Reste, lorsque l’on est mûr pour l’outil, l’enjeu de bien le choisir, en maîtrisant son budget. J’aurai l’occasion de revenir sur ce sujet dans un prochain post.


2 thoughts on “S&OP, avant l’outil

  1. Merci pour votre article, pratique et facile à lire. Je pense que tous les points qui y sont évoqués sont en effet déterminants. J’ajouterai que l’on peut avoir un S&OP bien ancré, mais se tromper dans le choix de l’outil. C’est d’ailleurs courant je pense dans pleins de métiers, supply chain ou autres !

  2. Merci pour votre commentaire. La remarque est très pertinente. Choisir le bon outil est la première étape vers le succès. Il faut reconnaître qu’il n’est pas facile de s’y retrouver, car les approches marketing des différents éditeurs d’APS sont assez similaires. J’ai prévu d’y consacrer un post, où je donnerai ma vision des bonnes pratiques… que viendront j’espère compléter la vôtre, et d’autres encore…

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