S&OP, « PDP étendu » : imbrication, alternative ou combinaison

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Nous avons rappelé dans le post Le S&OP, un "must" ? que le S&OP était un processus indispensable lorsque l’activité engendrait des tensions sur capacités. Selon leur degré, et selon les moyens à disposition pour les résoudre, il est utile de distinguer deux déclinaisons du processus S&OP, correspondant à deux niveaux d’ambitions et d’efforts différents : ce que nous appellerons le « PDP étendu » et le S&OP à proprement parler.

*PDP : « Plan Directeur de Production » (ou MPS)

Le « PDP étendu », une possible version light du S&OP

Le « PDP étendu » est un mécanisme inhérent au S&OP. Les besoins prévisionnels établis sur le « proche moyen terme » sont utilisés pour étendre l’horizon du PDP (ou MPS) et pour l’alimenter.

Les puristes s’en plaindront, mais le « PDP étendu » peut aussi constituer en tant que tel une version « light » du S&OP. On s’y limite quand les niveaux de capacité en place sont considérés par avance sans grand risque, gérable tactiquement, quelles que soient les situations d’exploitation susceptibles de se produire. Les hypothèses implicites qui justifient de s’en tenir au « PDP étendu » sont :

  • La capacité industrielle est globalement suffisante pour faire face aux évolutions de la demande à moyen terme, ou bien des sources secondaires de fabrication peuvent être activées.
  • Le coût de reviens des produits ne sera pas significativement impacté par les évolutions de l’activité

Dans ce cadre, l’objectif est de prévenir le risque de saturations ponctuelles de l’outil de production. Les deux moyens les plus couramment utilisés sont :

  • La constitution de stocks avancés, via la programmation de productions anticipées
  • Le recours à de la sous-traitance, avec comme enjeu le dimensionnement des volumes requis et la gestion de délais de mise à disposition plus longs

Le « PDP étendu » nécessite dans la plupart de cas, au plan métiers, un nombre restreint de contributions: Suppy Chain, Production, Ventes. En outre, son horizon n’est étendu que de quelques périodes (3-4 mois en général) par rapport à celui d’un PDP sans volet tactique (dont l’horizon opérationnel correspond au cumul des délais d’approvisionnement et de production). DG, Directions Achats, Marketing, Finance ou RH ne sont a priori pas de la partie. L’exercice est par construction moins complexe à mener (**,***).

**Sauf si par exemple sous-traitance négociée hors accord cadre

***Sauf si par exemple des campagnes promotionnelles sont pilotées par le Marketing

S&OP, déclinaison complète:

Capture ou perte de marchés, évolution rapide de l’offre, du mix produit peuvent générer de fortes variations des besoins capacitaires. Si le rapport charge/capacité est trop déséquilibré, les moyens offerts par la démarche « PDP étendu » ne sont plus suffisants. Il faut savoir agir directement sur le niveau de la capacité, sous peine de voir se déclencher des mécanismes très nuisibles pour le développement commercial et économique de l’entreprise :

  • Un outil industriel saturé pourra être à l’origine de surcoûts, de ruptures de stocks, mais aussi, paradoxalement de surstocks importants :
    • Le recours à la sous-traitance, si elle n’est pas anticipée, se fera souvent à des conditions d’achat défavorables
    • Les équipes de la production voudront pallier le déficit de capacité en augmentant les tailles de campagne :
      • Cela aura un effet direct sur l’augmentation du stock outil, donc du stock moyen induit
      • En outre, la diminution de la fréquence de réapprovisionnement sera à l’origine de pénuries plus longues
    • Si le business est saisonnier, le manque de moyens capacitaires devra être compensé par des avances de production, afin de garantir les stocks de couverture nécessaires sur les pics de ventes
  • Des moyens capacitaires trop importants viendront augmenter le coût de reviens des produits (par absorption des coûts fixes), et donc réduire la marge. Le compte de résultat en sera bien-sûr impacté, mais le bilan également, car même si les volumes stockés sont maintenus sous contrôle, leur valeur aura mécaniquement augmenté. L’alternative, qui consistera à surproduire, permettra de maintenir artificiellement la marge (pendant un certain temps seulement), mais provoquera une augmentation des stocks, via l’effet volume.

Or, un changement de capacité nécessite des délais importants. C’est en outre une décision conséquente, un engagement qu’on ne remettra pas en cause facilement. En effet, que les enjeux soient techniques (investissement, dégoulottage outil, externalisation) ou humains (changement de rythme, redimensionnement de l’équipe, éventuelles formations), de nombreuses compétences et des moyens significatifs doivent être mobilisés.

Il en résulte plusieurs implications très concrètes. Gérer « jusqu’au bout » l’enjeu capacitaire suppose :

  • de se donner de la visibilité sur un horizon moyen terme étendu, entre 12 et 24 mois en général
  • de mettre la plupart des métiers de l’entreprise autour de la table, et d’orchestrer leurs actions dans le cadre d’un processus périodique, piloté avec beaucoup de rigueur et d’engagement
  • de valider les décisions au niveau de la Direction Générale

Bref, toutes ces choses qu’on ne répétera jamais assez… 

Alternative, « phasing » ou combinaison

Nous avons vu que restreindre son action à la version PDP étendu du S&OP pouvait être un choix légitime. C’est aussi une bonne étape intermédiaire, dans la mise en œuvre d’un processus complet, qui est très exigeant, et long à produire des résultats.

Dans des organisations étendues, les deux approches peuvent également se combiner pour décliner le principe du S&OP à différentes échelles, que celles-ci soient définies géographiquement ou fonctionnellement. Il n’est pas rare, par exemple d’entendre parler dans une même entreprise de « PIC usine », de « PIC Pays » et de « S&OP groupe ». Derrière ces intitulés se cachent et se combinent, pour se compléter, les deux approches que nous avons distinguées. Le S&OP groupe planifie les besoins et les ressources capacitaires au niveau d’un plan de production global à un horizon moyen terme étendu. Les processus locaux permettent de compléter et de renforcer la planification opérationnelle (MPS, MRP) avec la partie des besoins qui leur est finalement demandée de couvrir.

NB : *PIC = Plan Industriel et Commercial


 

Le S&OP, un « must »?

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L’aura acquise par le processus S&OP parmi les professionnels de la supply chain est considérable. Collaboratif, transversal, tactique, le S&OP serait le processus de planification ultime pour optimiser les stocks, maîtriser les coûts et garantir le taux de service client attendu.

Faisons néanmoins quelques constats:

  • De nombreuses entreprises ont créé des supply chain performantes sans recourir au S&OP.
  • Ce processus est long à mettre en place, mobilise des ressources importantes, requiert au niveau de ses contributeurs une grande discipline, et ne donne en général pas de résultats rapides.
  • Rarement, on a recouru à un même concept pour décrire des pratiques aussi disparates.
  • Une fois en place, le S&OP chapeaute et orchestre tous les processus de planification de la supply chain. il n’est donc pas surprenant qu’on lui attribue toutes les réussites.

D’où la question : le S&OP est-il vraiment un « must » ? 

Est incontournable ce qui fait la réussite de votre planification opérationnelle

La performance de votre supply chain repose in fine sur la pertinence des décisions de votre planification opérationnelle (besoins, approvisionnement, production, stockage), ainsi que sur la capacité et la fiabilité des équipes chargées sur le terrain de leur exécution (respect des décisions, des délais, et des conditions d’exploitation imposées).

Nous nous interrogerons uniquement ici sur les aspects liés à la planification. Quelles que soient les caractéristiques de votre supply chain, il y a quelques prérequis incontournables dont vous devez disposer, pour gérer efficacement l’horizon opérationnel et court terme :

  • Des stratégies de production, d’approvisionnement et de stockage adaptées pour assurer la disponibilité de vos produits finis (ex : MTS vs MTO), des produits intermédiaires et des matières premières
  • Des compétences, des outils (modules de planification d’ERP, APS) et des fonctionnements vous permettant d’alimenter et d’actualiser de manière pertinente et réactive vos prévisions de ventes, votre MPS et votre MRP
  • Des circuits de décision courts et transparents

Le « must » donc, c’est que ces conditions de performance comptent parmi vos acquis. 

Dans quel cas doit-on aussi mettre en place un processus S&OP ?

On entend souvent vanter les vertus collaboratives du S&OP. Tel responsable l’aura mis en place pour prendre en compte différentes sources métier ou filiales dans la construction des prévisions de ventes. Tel autre pour permettre aux fournisseurs et clients internes d’une supply chain segmentée et complexe de mieux communiquer. Ces problématiques sont certes couramment traitées dans le cadre d’un S&OP, pourtant elles ne sont pas des conditions suffisantes pour justifier de sa mise en œuvre. En effet, une prévision collaborative des ventes, une planification multi-échelon, lorsqu’elles s’appliquent à la maille produit, peuvent s’appuyer sur des méthodes et des outils sophistiqués sans qu’il soit par ailleurs nécessaire de dérouler les multiples étapes de validation propres au S&OP.

En fait, le S&OP répond à un objectif précis : ajuster le rapport charge/capacité. Dans de nombreux secteurs, une capacité mal calibrée par rapport aux besoins peut rapidement ruiner les efforts et les résultats d’une planification opérationnelle par ailleurs très au point. Or, l’ajustement des ressources capacitaires repose souvent sur des décisions complexes, coûteuses et longues à mettre en œuvre. Il nécessite dès lors une vision élargie, sur un horizon de moyen terme qui dépasse celui de la planification opérationnelle. Dans des environnements industriels soumis à des variations fortes et récurrentes des besoins capacitaires, la mise en place du S&OP est donc non seulement utile, mais indispensable. Il y a alors plusieurs manières de l’envisager, c’est un sujet que nous développerons dans un tout prochain post.


 

Prévision des ventes, en prendre et en laisser

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A lire, avec le sourire, avant d’acquérir un logiciel pour vos prévisions de ventes

http://blog.lokad.com/journal/2014/6/5/top-10-lies-of-forecasting-vendors

Sous la forme d’un (gentil) coup de gueule, souvent drôle, l’auteur tacle collectivement les acteurs de son propre secteur d’activité. Mais j’ai aussi et surtout voulu partager cet article parce que je le trouve très pertinent sur le fonds, même s’il n’est pas exhaustif de toutes les limites rencontrées par l’approche statistique en matière de prévisions et d’approvisionnement.

 

S&OP, avant l’outil

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Récemment, la responsable S&OP d’une entreprise industrielle me confiait que la licence de l’outil APS (Advanced Planning and Scheduling) adopté 3 ans plus tôt n’avait pas été renouvelée, alors même selon elle que l’outil répondait parfaitement au besoin. Motif : il n’avait jamais été adopté par les planificateurs des sites industriels, ni par les commerciaux. Il y a malheureusement bien des façons d’arriver à cette situation. De l’aveu même des professionnels qui vendent des solutions APS, il est fréquent d’observer une forte dégradation de l’utilisation du logiciel dans les deux ans qui suivent son installation. Tentons de proposer quelques remèdes.

Les éditeurs logiciels articulent en général leurs réunions d’avant-vente autour de deux messages :

Message 1 : « Voyez tout ce que notre outil peut faire, vous y trouverez forcément des réponses à vos besoins ». A l’appui, des démonstrations multiples autour des fonctionnalités clé : prévision collaboratives des ventes, propagation de la demande, planification multi-échelon des stocks, simulation et comparaison des scénarios, archivage et reporting

Message 2 : « D’autres l’ont adopté avant vous, il fait le job », en insistant bien-sûr sur les clients sectoriellement proches.

Ces arguments sont légitimes. Ils ne doivent néanmoins pas conduire à la précipitation. En effet, le S&OP est un processus opérationnel et décisionnel complexe, dont les points de sensibilité sont très variables d’une entreprise à l’autre, fussent-elles du même secteur. Par ailleurs, une très large couverture fonctionnelle et applicative n’aidera pas à cadrer un processus encore incertain ; il se pourra même que ce « trop plein fonctionnel » crée de la confusion.

Aussi, avant de vous lancer dans l’acquisition d’un outil de marché, assurez-vous de savoir répondre par l’affirmative à ces quelques questions de fonds :

Sommes-nous clairs sur la liste et le rôle des participants au processus S&OP? En général, ne devraient démarrer comme futurs utilisateurs de l’outil que des collaborateurs déjà impliqués dans le processus existant. Toute situation contraire peut traduire le fait que l’approche métier a été plus ou moins remise en cause par l’outil. Votre processus S&OP risque d’être ralenti, ce qui est l’exact contraire de ce que vous attendez de l’outil. En outre, vous vous apprêteriez peut-être à payer un nombre inutile de licences utilisateurs et de formations.

Le système de back-up entre les participants du processus S&OP est-il rôdé ? Le caractère collaboratif et périodique du S&OP requiert un strict respect du rétro-planning qui y est associé. L’adoption d’un outil renforce cette contrainte, dans la mesure où le traitement des données y est automatisé. Les retards des utilisateurs sont encore plus difficilement gérables.

Connaissons-nous déjà les données d’entrée et les données de sortie de l’outil ? En plus de renforcer la logique collaborative, le rôle de l’outil est de faciliter la collecte des données d’entrée, ainsi que d’accélérer le calcul de résultats et d’indicateurs déjà définis et maîtrisés. Si vous n’avez pas su démarrer votre processus S&OP avec Excel ou Access, vos difficultés calculatoires révèlent peut-être des manquements métier et systèmes au niveau des étapes de la planification opérationnelle (prévision des ventes, DRP, MRP). Dans ce cas, votre priorité sera de les renforcer, en préalable à toute autre démarche; côté outils de marché, vous retomberez d’ailleurs souvent sur les mêmes acteurs…

Il est intéressant de constater que les éditeurs commencent à intégrer ces paramètres dans leur approche commerciale, en avance de phase. On a vu ainsi se multiplier dans les salons spécialisés, les séminaires, ou encore les web-conférences les présentations conduites par leurs clients eux-mêmes. Ceux-ci mettent l’accent sur la démarche de transformation métier menée par l’entreprise, avant de vanter les bénéfices de l’outil, mais davantage dans un rôle de support aux équipes et de facteur clé de succès dans la résilience des changements mis en œuvre.

Reste, lorsque l’on est mûr pour l’outil, l’enjeu de bien le choisir, en maîtrisant son budget. J’aurai l’occasion de revenir sur ce sujet dans un prochain post.


Une typologie des stocks propice à l’optimisation

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Ce post se lit à la suite d'un précédent post, auquel vous pouvez accéder en cliquant ici

Les stocks « tampon »

Les stocks tampons couvrent les variations de l’exploitation, exceptionnelles ou courantes. Ils regroupent les stocks de sécurité, les stocks de saisonnalité, les stocks stratégiques, les stocks avancés de production, les stocks consignation

Le plus impactant en général est le stock de sécurité. Il vise à couvrir les effets liés aux incertitudes sur le niveau des ventes et sur les délais d’approvisionnement. Réduire et maîtriser ces variabilités permet donc de réduire le stock de sécurité, sans remettre en cause la satisfaction client. Les principaux leviers directs pour agir sur le stock de sécurité sont la fiabilité des prévisions de ventes, les conditions de ventes elles-mêmes (délais faits aux clients), la fiabilité des opérations industrielles et logistiques, le réglage des ressources et des capacités industrielles. Leur amélioration repose sur la mise en place de processus collaboratifs (ex : prévision collaborative des ventes, PIC) ou de programmes d’efficacité opérationnelle (ex : fiabilisation des lead times à travers un programme de lean manufacturing). La politique commerciale est aussi en jeu. Pratiquer des délais de livraison et/ou des taux de service distincts selon les produits, les marchés et /ou les clients peut avoir des impacts conséquents sur les stocks de sécurité.

Les stocks « d’excès d’exploitation ».

Dans l’idéal, un stock devrait être réapprovisionné, au-delà du seuil que représente le stock de sécurité, de la quantité exacte de la prochaine vente prévue, juste avant que celle-ci ne se réalise. Or ce n’est en général pas le cas. Les quantités approvisionnées sont contraintes par des quantités minimum, appelées minimum de commande (à l’échelle d’un produit) et minimum de livraison (à l’échelle d’une commande groupée). Les équivalents industriels en sont le minimum de fabrication/campagne et le minimum de groupage. Les anglo-saxons parlent de « cycle stock ». La traduction française de « stock actif » n’est pas bien heureuse, puisqu’il s’agit en l’occurrence du stock le plus inactif qui soit, que l’on regarde du point de vue des flux ou du point de vue comptable. Il n’est pas rare que les surstocks induits par ces conditions de fournitures représentent une proportion très importante de la globalité du stock.

Naturellement, la réduction des stocks d’excès d’exploitation passe par la réduction de ces quantités minimum entrées en stock à chaque réapprovisionnement. Ces paramètres doivent être revus en collaboration avec les Achats et la Fabrication. C’est un travail souvent conflictuel, car la part des coûts de revient qui est liée à ces produits est inversement proportionnelle à la valeur de ces quantités minimum. L’aide de la Direction Financière me paraît dès lors très utile, voire indispensable, pour procéder à des arbitrages économiques.

NB : On appelle souvent « stock de couverture » ou encore « stock de réappro », la portion du « cycle stock » couvrant l’équivalent de la prévision des ventes sur le délai supposé irréductible entre deux livraisons. Je conseille de ne pas faire cette distinction d’un point de vue méthodologique, car je pense qu’il vaut mieux considérer le stock lié aux cycles de réapprovisionnement comme un gisement unique et intègre.

Les Stocks « de mouvement et d’encours » :

Cette catégorie regroupe les stocks de transit, de transfert, et de transformation. Ce sont tous les stocks constitués à un instant t des produits qui subissent un changement de lieu ou un changement d’état. La durée d’immobilisation prise en compte peut être une durée moyenne ou une durée théorique, appelée lead time technique. Elle correspond à une situation d’exploitation standard (temps de fabrication, de contrôle de transport, de manutention, de préparation). Les améliorations possibles sont liées à la suppression, à la réduction ou à la parallélisation de ces délais. Parmi les leviers courants, on retrouve le lean manufacturing, et tous les programmes d’efficacité opérationnelle en général. Par ailleurs, la formation des collaborateurs, l’amélioration des équipements (pour une meilleure rapidité de traitement) et des systèmes d’information (pour le suivi et la traçabilité) sont des voies souvent fructueuses.

Le cas particulier du stock merchandising

Notons que la classification du stock merchandising, utile dans le commerce de détail, n’est pas figée. Certaines entreprises de la Grande Distribution et de la Distribution Spécialisée le gèrent en considérant qu’il vient en complément du stock de sécurité. C’est une approche puriste, qui repose sur l’hypothèse que le stock merchandising fait intégralement partie de la proposition commerciale. D’autres le voient comme induit par le stock « d’excès d’exploitation » ; dans ce cas, on ne cherche pas à fixer un stock merch seuil par produit, on se contente de l’effet volume assuré globalement par les minimums de réapprovisionnement au niveau de tous les produits.

 

Typologie des stocks, un levier essentiel d’efficacité

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Les typologies classiquement utilisées par les entreprises pour suivre leurs stocks sont un frein à la réduction des stocks

La plupart des états de suivi des stocks, actualisés chaque mois par les Directions Financières, reprennent le découpage de l’entreprise et de ses marchés. Le reporting type établit les volumes et la valeur de stocks par site et/ou par zone (usine, entrepôt, filiale/pays) et par business (BU, familles de produits). Lorsque des analyses plus détaillées existent, on en trouve qui reposent sur une classification ABC des produits. Une relation peut ainsi être établie entre la valeur des stocks et le niveau de contribution des produits correspondants, en chiffres d’affaires et/ou en marge.

Ces typologies permettent certes de suivre l’évolution des stocks, d’identifier les dérapages, et de relever d’éventuels paradoxes de gestion. Mais elles n’offrent qu’une vision très myope des mécanismes à l’œuvre pour aboutir au niveau de stock constaté. Elles ne disent pas non plus grand-chose du bien-fondé des différents niveaux de stocks, ni des causes des variations qui peuvent être constatées. Pire, elles peuvent parfois conduire à de mauvaises interprétations. Prenons l’exemple d’un produit phare, à forte contribution pour l’entreprise. On pourra facilement considérer qu’un stock de sécurité élevé est parfaitement justifié. Or, si les ventes sont prévisibles et les délais sous contrôle, un tel raisonnement conduira de fait à entretenir un surstock.

Pour une typologie des stocks liée aux contraintes de flux

D’un point de vue pratique, un stock est la conséquence d’une succession de durées d’immobilisation d’un produit, correspondant à des étapes ou à des fonctions caractéristiques du flux qu’il parcourt jusqu’au client final. Décomposer un stock selon des critères liés aux flux permet de relier des quantités à des contraintes d’exploitation, et donc à de possibles leviers d’actions. Par extension, et sur la base d’analyses plus poussées, ces leviers d’actions permettent d’évaluer des gisements d’amélioration et à des espérances de gains. Dans cet esprit, je propose d’adopter une typologie comprenant 3 grandes catégories ou familles de stocks:

1. les stocks « tampons », qui couvrent les incertitudes de l’exploitation, et qui sont constitués pour livrer les clients dans les délais
2. Les stocks « d’excès d’exploitation », qui sont les surstocks engendrés par les quantités minimum imposées à la livraison
3. Les stocks « de mouvement et d’encours », constitués par les produits qui subissent un transport ou une transformation, et qui ne sont pas (encore) disponibles pour le client, interne ou externe

Cette typologie crée la distinction entre les stocks « utiles aux clients » (les stocks tampons), et ceux dont les clients ne tirent aucun bénéfice, parce qu’ils sont imposés par les processus et les flux d’exploitation. La réduction des stocks non « utiles aux clients » fait toujours l’objet, au moins sur le principe, d’un consensus fort dans l’entreprise. Il est donc habile de s’y consacrer en premier.

Il est par ailleurs important, dans le commerce de détail, de prendre en compte la contrainte particulière du stock merchandising. Il s’agit du stock présent en rayon à la vue des clients. Or, Outre le fait d’assurer la disponibilité du produit, il a aussi pour rôle de garantir un effet volume, dont il est reconnu qu’il a un impact sur le panier moyen.

Lorsque cette classification est en place au premier niveau, il est en général pertinent de reprendre au niveau inférieur les critères plus classiques que nous avons évoqués plus haut (par site et par famille produit)

Dans mon prochain post, nous ferons une revue détaillée des 3 catégories de stocks que nous avons introduites : Les stocks qu’elles englobent, les leviers opérationnels disponibles pour un travail d’optimisation, et enfin les arbitrages économiques et commerciaux en jeu


Optimisation des stocks : mobilisez votre DAF! (Suite et fin)

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Ce post est le dernier d’une série de 3. Vous pouvez accéder aux deux premiers en cliquant sur l'un ou l'autre des liens suivants :
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Instituez un projet d’entreprise

Dans quel cadre un programme d’optimisation des stocks peut-il être conduit avec succès ? Nous avons vu que de nombreux services devaient être impliqués, et qu’il était essentiel que Direction Supply Chain et Direction Financière co-animent la démarche. En outre, cette dernière doit monter en compétence sur l’enjeu des stocks. Bien entendu, il y aura des questions fortement débattues et des difficultés dans la mise en œuvre. Il faut donc obtenir des moyens, réunir les conditions d’une vraie mobilisation, et insuffler un rythme. Seul un projet d’entreprise peut offrir les conditions d’une telle dynamique. Il en découle par ailleurs que le « sponsor » du projet est le COMEX tout entier. C’est un signal fort donné aux participants sur l’importance accordée aux enjeux, sur les moyens qu’il convient de mobiliser dans  chaque service… et sur les attentes bien-sûr.

Pour la conduite du projet, veillez, vous Directeur Supply Chain, à ce que la Direction Financière ait un rôle majeur, tout en conservant vos prérogatives

Le « client » du projet est la Supply Chain, qui est et demeure le service responsable du niveau des stocks. Par contre, je recommande que la direction du projet revienne au Directeur Financier lui-même. J’ai conscience que cette approche puisse, au niveau des opérationnels de la Supply Chain, engendrer des craintes, voire froisser des susceptibilités. Admettons-le, il n’est pas facile de déléguer à un autre service un tel niveau d’intervention sur son périmètre fonctionnel, de surcroît dans un contexte qui requiert une forte expertise technique. Néanmoins, vous devez vous rassurer, en tant que « client » du projet, en jouant tout votre rôle dans la genèse et dans la validation des propositions. Par ailleurs je suggère, en plus du Directeur de Projet, de nommer un chef de projet opérationnel, dont Direction Financière et Direction Supply Chain se partagent le management hiérarchique et fonctionnel. Le « Contrôleur de Gestion Stocks », si la fonction existe dans l’entreprise, est le candidat idéal. Il combine expertises financière et Supply Chain. La complémentarité de son rôle opérationnel et de son rôle dans le projet seront en outre un vrai atout. Elles faciliteront par exemple la prise en compte de la démarche d’optimisation des stocks dans la planification budgétaire.

Un principe à étendre à d’autres processus collaboratifs

Vous, directeurs Supply Chain, avez besoin des DAF, et les DAF ont besoin de vous. Mutualiser vos objectifs, combinez vos efforts, prenez le risque de partager la conduite du projet d’optimisation des stocks. La pression sur le cash n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui et l’on vante partout la vertu des processus collaboratifs. Le moment est propice, alors saisissez l’occasion !

Enfin, ne vous arrêtez pas là ! le PIC (Plan Industriel et Commercial*), qui est un exemple de grand processus collaboratif de l’entreprise, gagne considérablement à s’enrichir de la participation active de la Direction Financière. D’ailleurs, quand il est en place, il est le cadre idéal pour piloter l’évolution des stocks. C’est un sujet sur lequel j’aurai l’occasion de revenir dans ce blog.

* En anglais : Sales & Operations Planning


Optimisation des stocks : mobilisez votre DAF! (Suite, mais pas fin…)

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Ce post se lit à la suite d'un précédent post, auquel vous pouvez accéder en cliquant ici

Une fois impliqué, votre DAF sera un partenaire efficace

L’article des Echos déjà cité dans mon précédent post révèle que les DAF ont joué un rôle prépondérant dans l’optimisation du BFR, sur la question des délais de paiement (DSO/DCO) et du risque crédit. Des actions transversales, co-animées avec la DAF, ont produit des résultats durables, en dépit des conflits d’intérêts et des résistances générées au niveau de certaines directions de l’entreprise.

Par exemple, les Achats et les Services Commerciaux ont dû renégocier des délais de paiements plus favorables, sans lâcher sur les prix. Tâche difficile ! Par ailleurs, l’application stricte des délais de paiements et des limites de risque crédit peut générer des tensions commerciales ainsi que des difficultés opérationnelles au niveau de l’Administration des Ventes et de la Logistique. C’est notamment le cas lorsqu’on inflige aux clients en retard (ou en risque) de paiement un blocage de la livraison de leurs commandes.

Pour soutenir et s’impliquer pleinement dans un programme d’optimisation des stocks, votre DAF a besoin d’une vision plus précise des arbitrages économiques en jeu

Une mission essentielle de votre DAF est de veiller à la préservation et au renforcement du modèle économique de l’entreprise. Pour qu’il s’implique, il doit être en mesure, comme dans le cas de l’optimisation des délais de paiement et du risque crédit, d’adopter et de partager avec les autres services de l’entreprise une vision claire et assumée des arbitrages économiques et commerciaux à mettre en œuvre. Or, la fonction Supply Chain est au carrefour des conflits d’intérêts entre niveau des stocks, structure de coûts, et niveau de service client. Vous, Directeur Supply Chain avez donc un rôle fondamental à jouer en aidant les services financiers à élaborer une vision complète et cohérente.

Les conflits d’intérêts doivent être identifiés, ainsi que les paramètres d’exploitation autour desquels ils apparaissent. Le réglage de chacun de ces paramètres correspond en effet à un choix de gestion qui a un impact sur les stocks, les coûts, et le niveau de service client. Il faudra par exemple être en mesure d’estimer comment les stocks de sécurité évoluent si l’on différencie le taux de service client en fonction des produits. Ou encore de combien un coût de revient augmente lorsque l’on diminue un minimum de commande ou de fabrication.

« Ce qui est simple est faux, ce qui est compliqué est inapplicable »

Les liens systémiques entre stock, coûts et service client sont complexes. Ils sont fonction des conditions de fourniture, des conditions de ventes, et du schéma logistique (stockage et transport). Or, le modèle que vous construirez avec le Direction financière pour cartographier  « l’équilibre stocks-coûts-service client » de cotre entreprise doit être précis dans ses résultats, tout en restant simple dans son utilisation et dans son « rendu ». Aussi, que vous vous fassiez aider, ou que vous procédiez en interne, prenez le temps de l’analyse et de la conception.

Vous devez vous attendre à certaines difficultés. Il arrivera que vous soyez confrontés à l’absence d’historiques de données pourtant indispensables au modèle. Vous devrez dans ce cas construire des hypothèses raisonnables. Il faudra aussi tenir compte des grands cycles d’exploitation de l’entreprise (campagnes commerciales, saisonnalité des ventes, arrêts usine, maintenance,…). C’est un point critique, car un programme d’optimisation des stocks durable et résilient doit s’inscrire dans les processus de pilotage de l’entreprise. Il faut établir des indicateurs pertinents et anticiper leurs variations, afin de détecter et de corriger rapidement les déviations qui ne manqueront pas de se produire.

Dans mon prochain post, je conclurai par des propositions pratiques sur le cadre à mettre en place dans l’entreprise pour mener le programme d’optimisation des stocks, et notamment sur le partage possible des rôles entre la Supply Chain et la Direction Financière.


Optimisation des stocks : mobilisez votre DAF !

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Septembre, une rentrée « sous pression » pour le Directeur Supply Chain

Si vous êtes directeur ou directrice Supply Chain, la rentrée de septembre est probablement une période sensible pour vous. Si en outre vous œuvrez dans une entreprise industrielle, c’est le moment du verdict sur la stratégie de stockage que vous avez adoptée pour couvrir les fermetures usines de l’été. Avec à la clé, le niveau de service client qui sera rendu durant la première moitié de l’automne… A peine serez-vous remis de vos émotions, que commencera une autre période doublement délicate : le pilotage de la fin de l’année, et, dans le même temps, la négociation de vos objectifs budgétaires pour l’exercice à venir. Dans les deux cas, vous présagez que la pression sur les stocks sera forte.

L’Optimisation des stocks : une arlésienne, et peu de résultats durables

Malgré vos efforts, les résultats obtenus jusque-là pour diminuer les stocks sont limités. Les actions mises en œuvre ont été « effacées » par le contexte économique et commercial toujours plus tendu et imprévisible depuis maintenant quatre ans, côté fournisseurs comme côté clients. Les variations de stocks restent fortes, et cette année encore, l’atterrissage au bilan va se jouer pour beaucoup sur des actions de « window dressing », mais aussi sur quelques paris, avec comme conséquence de possibles ruptures en janvier et février. Une de vos plus grandes frustrations, c’est d’avoir une marge de manœuvre effective très limitée sur le niveau des stocks alors que vous êtes tenu d’en d’être le garant. En effet, le stock dépend pour l’essentiel de conditions d’exploitation fixées par d’autres services de l’entreprise, qui sont peu enclins à les faire évoluer facilement, par crainte de mettre en risque leurs propres objectifs de gestion. Pourtant, cette année (encore), vous devrez proposer un plan d’optimisation des stocks. Vous saurez convaincre la Direction Financière et la Direction Générale de son bien-fondé, mais vous pronostiquez déjà une forte « perte en ligne » lors de sa mise en œuvre, en raison des blocages habituels au sein de l’Organisation.

Si ce scénario a pour vous un petit air de vécu, c’est normal, car vous êtes une majorité de Directeurs Supply Chain à vivre la même situation. Selon un article des échos en ligne du 9 juillet 2013, la situation des stocks s’est globalement détériorée dans les entreprises depuis 2008 (+8% entre 2008 et 2011), effaçant les progrès réalisés sur les autres postes du BFR (-6% sur la même période). En outre, les DAF semblent garder une certaine distance avec l’enjeu des stocks, faute de savoir gérer la complexité du contexte politique, et notamment d’arbitrer les polémiques engendrées par les conflits d’intérêt entre services. Se pourrait-il que la distance « respectueuse » gardée par la Direction Financière par rapport à votre périmètre des stocks soit au final pour vous un problème ?..

Sur la question des stocks, votre DAF est légitime, et son aide nécessaire

…La réponse est oui, sans réserves ! Parce que l’implication de la Direction Financière, en plus d’être légitime, est nécessaire. D’abord, parce que les stocks sont une composante clé du BFR. Ensuite, il est du rôle de la Direction Financière de vérifier que l’optimisation des stocks ne remet pas en cause d’autres fondamentaux de l’équilibre économique et commercial de l’entreprise. Cet enjeu est d’ailleurs à l’origine des conflits d’intérêt que connait la Direction Supply Chain avec d’autres services. Enfin, les DAF jouent un rôle essentiel dans les décisions d’investissement et l’allocation des ressources.

La suite, dans mon prochain post. En particulier, comment le Directeur Financier peut-il devenir un partenaire efficace dans la démarche d’optimisation des stocks? Accédez directement en cliquant ici


Chers lectrices, chers lecteurs

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Chers lectrices, chers lecteurs,

J’ai créé ce blog pour toutes celles et ceux qui s’intéressent aux métiers de la Supply Chain et des Opérations. Je souhaite y partager des idées concrètes et y donner des conseils pratiques sur les enjeux forts du moment. Vous y trouverez donc des posts sur l’optimisation des stocks, le processus PIC, la prévision collaborative des ventes, entre autres sujets brûlants.

Une supply chain performante offre à ses clients un niveau de service irréprochable, des stocks au plus bas, des coûts optimisés et un moindre impact au bilan carbone. C’est bien entendu un défi en soit. Un défi encore plus grand est d’obtenir cette performance dans la régularité et dans la durée.

Le Lean Manufacturing, approche qui a transformé en profondeur les pratiques sur les chaînes de production à partir des années 1970, a eu à ce titre des résultats probants. Certes, une Supply Chain ne se gère pas dans le même « espace-temps » qu’une chaine de production. Une chaîne d’approvisionnement est géographiquement et fonctionnellement plus complexe. Il est fréquent qu’elle combine négoce, fabrication, stockage, transport et distribution, sur de nombreux sites. Mais la portée actuelle des systèmes d’information permet de relativiser cette différence. Dans l’approche « Lean », efficacité et fiabilité des opérations sont pensées à chaque étape de la chaîne, mais aussi dans la globalité du flux. On investit par ailleurs beaucoup dans les processus collaboratifs, qui viennent en renfort des actions d’optimisation et autres approches prédictives appliquées tout au long de la chaîne.

Personnellement, la connaissance du Lean Manufacturing a été une source profonde d’inspiration tout au long de mes années de pratique dans la transformation et le pilotage de la Supply Chain. D’où, dans le titre de ce blog et dans les posts que vous lirez, l’importance du marqueur « Lean ».

Bonnes futures lectures !